Pour nous, qui sont revenus de Copenhagen pleins d’espoir et d’énergie, c’était étrange de se rendre compte que beaucoup de ceux et celles qui ont suivi l’affaire de loin l’on vécu comme une catastrophe. Pourtant, c’était évident depuis un moment qu’il y aurait « au mieux » un accord sur de fausses (quoique très profitables) solutions. Les analystes critiques, comme des savants de pointe comme James Hansen, disaient déjà que No Deal serait mieux que leur Bad Deal. Finalement le deal proposé était si mauvais qu’il était impossible de l’imposer (le soi-disant Accord de Copenhague n’a pas été accepté par toutes les parties).
Dégoûtés par la cupidité et irresponsabilité totale des puissants, beaucoup ne se rendent pas compte que cette farce tragique – et l’action unitaire de différents réseaux de base – a ouvert un nouvel espace politique dans lequel de vraies solutions ont une chance. Alors que j’écris, arrive l’invitation de Evo Morales à un sommet mondial des mouvements sociaux sur le changement climatique. L’espace grandit. Comme disait un des slogans à Copenhague « Who’s summit ? Our summit ! »
Reclaiming Power à Copenhague
Un pas décisif vers un mouvement global pour la justice climatique
On dit souvent que la révolution française a commencé quand une partie du clergé et de la petite noblesse a déserté leurs assemblées respectives, convoquées par le roi, pour se joindre à l’assemblée du peuple, le tiers état. Si ce qui s’est passé à Copenhague se communique, peut-être que la manifestation Reclaim Power du 16 décembre et son Assemblée Populaire sera le point de départ de quelque chose d’aussi important.
Cela peut paraître exagéré. Nous n’étions que quelques milliers, seule une poignée ont réussi à pénétrer les fortifications du Bella Center et la manif de déléguées de l’intérieur qui tentait de nous rejoindre a été refoulée à coup de matraque. Mais à Seattle aussi, ce n’était que quelques milliers de jeunes qui ont mené l’action décisive, et ils n’ont fait que retarder l’ouverture de quelques heures. A Copenhague, les flics dominaient sur le terrain, mais leur violence n’a fait que souligner notre victoire politique étonnante.
Alors que les puissances mondiales perdaient toute crédibilité, se disputant parmi pour se saisir d’un maximum de CO2 (c’est à dire de production et de profits), des centaines d’ONG accréditées (l’équivalent moderne du clergé de l’Ancien Régime) et les délégations gouvernementales de la Bolivie, du Venezuela et de Tuvalu ont décidé de quitter le sommet pour se joindre à l’Assemblée Populaire et discuter des vraies solutions. Exactement le scénario que nous avions rêvé.
Mais nous n’avions jamais imaginé que nos ennemis seraient assez bêtes pour dramatiser leur peur de notre action : exclusion arbitraire de centaines d’ONG qu’ils soupçonnaient de vouloir nous rejoindre : des centaines d’arrestations « préventives » et de fausses accusations, notamment contre les porte-paroles et organisateurs de la manif ; confiscation violente du camion sono d’une manif autorisée et surtout le fait de matraquer et tenir prisonniers dans le centre de Conférence les déléguées officielles qui voulait se joindre à l’Assemblée ! Après l’infiltration policière massive, l’attaque policière contre l’assemblée tenue à Christiania deux jours avant (qui leur a permis d’arrêter une bonne partie du service d’ordre de la manif) et la saisie de toutes sortes de matériaux (y compris les bicyclettes et les banderoles), ce niveau de répression apparemment irrationnelle était sans doute le reflet de la peur du pouvoir par rapport à notre projet.
Très clairement, dès le départ le projet de la police était de complètement nous désorganiser, puis de nous provoquer afin de pouvoir nous casser la gueule et nous servir aux médias comme une « émeute ». Mais elle n’avait pas imaginé que la manif – même sans « leaders » ni camion sono – serait capable de s’auto-organiser et de réaliser le projet prévu : tenter de rentrer de manière non-violente dans le centre, tenir l’assemblée avec les prises de parole des mouvements, les groupes de discussion, etc., retour groupé en ville, etc.
Certains des activistes les plus expérimentés étaient déçus que plus de matériel n’est pas arrivé jusque à l’enceinte, qu’il n’y a pas eu plus d’efforts concertés pour la passer, que les autres tronçons de la manif ont été neutralisé aussi rapidement. Mais bien que la désobéissance civile et les efforts pratiques pour entrer dans la Conférence étaient un aspect essentiel de notre positionnement politique, nous ne devons pas rester crochés sur ce niveau purement tactique. L’objectif n’était pas de rentrer en soi, c’était d’affirmer notre DROIT d’y entrer et y tenir une Assemblée pour parler des vraies solutions. De rendre impossible d’ignorer QU’IL Y A un agenda alternatif. C’est pour cela que tenir l’Assemblée – que ce soit juste dedans ou juste dehors – était l’objectif essentiel.
Le gros des médias s’étaient déjè enfui au moment de l’Assemblée, mais cela n’enlève rien au sens politique d’une manifestation et d’une assemblée qui a réuni les jeunes activistes européens de Climate Justice Action avec les mouvements sociaux les plus significatifs du Sud. Étaient présents des mouvements paysans de tous les continents de Via Campesina, Jubilee South et tous les mouvements représentés dans la Caravane du Commerce au Climat : les peuples d’Océanie, les pêcheurs Philippins, les sans-terre d’Inde, les paysans les plus menacés du Bangladesh, des peuples indigènes du Mexique, du Panama, de Colombie, des Andes, etc. Tous sont menacés par le changement climatique et tous rejettent catégoriquement l’agression néo-néo-coloniale. qui sous couvert de « solutions de marché », cherche à faire payer – plus brutalement que jamais – pour un nouveau cycle d’expansion capitaliste « verte ». Plus important, ils étaient là pour proposer de vraies solutions, telles que : la souveraineté alimentaire, la souveraineté énergétique, de laisser le pétrole sous la terre, de relocaliser radicalement la production et une autre conception du « vivre bien », qui invite le Nord à reconnaître sa Dette Climatique et questionner radicalement le projet capitaliste de croissance infinie avec sa sur-production et sa sur-consommation insoutenable.
Le point critique est que cette assemblée n’était pas un moment passager, ni un fruit du hasard. Elle a marqué une convergence sur le long terme entre différents réseaux et cultures politiques : des réseaux mondiaux de mouvements sociaux et d’ONGs progressistes, tels que Climate Justice Now (CJN) ou Our World Is Not For Sale (OWINFS) ; des réseaux composés plus par les jeunes activistes du Nord comme Climate Justice Action (CJA), les Climate Camps, les anciens de l’Action Mondiale des Peuples, etc. Une victoire politique ce ne juge pas sur tant le résultat concret face aux flics (et encore moins dans les résultats de leur sommet) . Une victoire, c’est de sortir de la bataille plus crédible et plus unis qu’avant. Crédible : on peut espérer qu’aujourd’hui les gens qui croyaient qu’il suffiraient de faire pression sur nos dirigeants pour faire un « bon accord », vont mieux comprendre la nécessité de construire nous-mêmes les solutions et de les imposer par une mobilisation à la base. Unis : depuis que les Zapatistas ont suscité le mouvement anti-mondialisation il y a 13 ans, il n’y a jamais eu une alliance aussi large d’organisations appelant pour un « changement de système ».
Spontanément, la même proposition a surgi des assemblées de bilan du CJN et du CJA : organiser partout des Assemblées Populaires, pour s’attaquer aux problématiques du changement climatique au niveau local et régional. Celles-ci pourraient organiser contre des sources locales de CO2 (les transports, par ex.) ou contre les fausses solutions (le nucléaire, etc.), mais aussi imposer ou construire directement des solutions réelles (les réseaux locaux de souveraineté alimentaire, par ex.). En même temps, par leurs liens avec les autres assemblées, elles construiraient le mouvement mondial, avec une journée mondiale d’assemblées l’été prochain, puis une journée mondiale d’action sous le mot d’ordre « Changer le système, pas le climat ! ».
Voilà pour les idées, mais il est aussi important de parler de l’esprit, de la conviction, de l’enthousiasme, de la passion qui ont fait de cette manifestation et d’autres évènements à Copenhague des moments si magiques. Objectivement, nous étions pratiquement prisonniers des flics, mais cela ne touchait pratiquement pas les gens. Il n’y avait pas de peur ou de impuissance. La marche de retour avait été annoncée – de façon un peu gonflée – comme « la marche de la victoire », mais effectivement ça donnait un peu cette impression. Après une dizaine de kilomêtres et huit heures dans le froid et la neige, la manif est arrivée dans le centre-ville toujours aussi compacte et hurlant les slogans dans un flot continu. Même la dernière manifestation pour les prisonniers était non seulement très grande, mais avait une ambiance presque joyeuse. Par exemple, la mère d’une des porte-paroles arrêtées a chanté du Janis Joplin et une chanson qui lui était venue pendant la manif du Reclaim Power. Les gens doivent se sentir très sûrs de leurs idées et très sûrs des autres pour oser des choses pareilles. Alors que la manif avançait dans la nuit du nord, un slogan m’est revenu de nouveau de Seattle « We are winning ».
A présent, nous devons toutes et tous rentrer chez nous, faire passer le mot et faire que cela se réalise partout. Il est clair à présent que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Le défi est colossal, mais partout il y a des gens que nous n’avons pas le choix.
Olivier, de la Caravane du Commerce au Climat
Une vidéo de l’action Reclaim Power sur le site du Guardian : www.guardian.co.uk/environment/video/2009/dec/17/copenhagen-climate-change
Une vidéo de l’Assemblée Populaire : www.youtube.com/watch?v=FGY9ruYpx3o
And much more (mostly in english !) at www.climate-justice-action.org
Des Assemblées Populaires décentralisées oui pourquoi pas. Néanmoins, j’ai du mal à voir quelle forme cela pourrait prendre. Cela me fait un peu penser au mouvement des villes en transition, que je découvre depuis quelques mois et qui me fait de plus en plus envie, tu connais ? J’ai d’autres liens sur mon delicious. Ca m’y fait penser parcequ’on retrouve des 2 parts la volonté de fédérer un petit peu toutes les alternatives concrètes pour leurs donner du poids, de la visibilité afin qu’elles puissent ensuite être plus facilement récupérées par d’autres. Et puis surtout la volonté d’agir maintenant sans attendre de convaincre un quelconque président ou autre grande ponte internationale ayant du pouvoir. |
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Oups, j’avais pas fait attention que cet article était posté sur cac-international. Mon message précédent n’est pas trop en relation avec le groupe, mais j’espère qu’il intéressera du monde quand même. |
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Moi ça m’intteresse… mais c’est quoi un delicious? |
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Un réseau social orienté sur l’enregistrement et le partage de favoris en ligne. Je pratique moi-même. |
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